Appel à communication

  

Colloque international pluridisciplinaire - Université de La Réunion, France  

Du gage d’affection à l’archive : Culture matérielle et domaine de l’intime dans les sociétés de l’océan Indien

 

Avec le soutien de l’Observatoire des Sociétés de l’Océan Indien (O.S.O.I.- FED 4127) et de la Marie de Saint-Denis, Porté par les laboratoires D.I.R.E. (EA 7387) et L.C.F. (EA 4549) 

 

21 et 22 novembre 2018  

Campus Moufia, U.F.R. Lettres et des Sciences Humaines, Saint-Denis, La Réunion (France)

Ancien Hôtel de Ville de Saint-Denis, La Réunion (France)

 ***

 

        Il est bien délicat d’écrire l’histoire des sentiments, du quotidien ou de restituer des comportements. Comme le souligne l’historien Alain Corbin, la redécouverte du passé se heurte souvent au silence : « on ne peut pas faire l’histoire de la vie privée de ceux qui n’ont pas laissé de traces »[1]. Les attitudes privées des « personnes marginales ou marginalisées par la société »[2] dont les vies ne font que de brèves irruptions dans les archives seraient-elles condamnées à le rester ?

Ayant pour ambition de contribuer au dynamisme actuel des recherches sur l’histoire et la culture des sociétés de l’océan Indien, ce colloque s’attachera à la redécouverte d’éléments matériels qui nous renseignent sur le domaine de la vie privée et de l’affectif dans l’espace indiaocéanique[3]. Comment a-t-on donné forme, donné corps à l’amour à travers les objets, les images, hier et aujourd’hui ? Tout comme la première journée intitulée ‘Témoins d’amour, témoins de vie : Objets et images de l’intime’ qui s’est tenue le 12 novembre 2015, cet événement se veut axé sur une lecture de ces preuves, de ces témoins du sentiment et du discours amoureux à travers les siècles. L’un des enjeux principaux sera d’interroger les fonctions de l’objet matériel dans les échanges privés et dans la sphère de l’intime, ce « fond du fond de l’âme »[4].

Matérialiser le sentiment amoureux révèle différemment la relation à l’autre et conforte les émotions à exprimer. Les offrandes à l’être aimé sont autant de témoins de la relation amoureuse, autant de preuves, de traces de subjectivités passées. Elles sont des gages d’amour. Dans La nuit suprême, de Rabindranath Tagore, la mémoire du lien sensuel entre le jeune narrateur dédaigneux et sa promise, mariée à un notable en son absence, est ravivée par le bruissement des étoffes et le tintement des bracelets, par le parfum, émanation de son intimité de femme[5]. Les présents peuvent aussi supposer un contrat et, de ce fait, s’avérer aliénants. Prolongement du corps de l’autre absent, comme réifié, l’objet devient, à son tour, fétiche. Le concept de culture matérielle que l’historien Jules Prown définit comme « l’étude, à travers les objets fabriqués associés à une communauté ou à une société, des croyances, des valeurs, des idées, des attitudes et des présuppositions » [6], sera au cœur de nos discussions. Dans quelle mesure le rapport des femmes et des hommes aux objets matériels nous renseigne-t-il sur les relations entre les sexes et le domaine de l’intime ?[7]

Si les objets retrouvés sont un moyen de découvrir le passé et de lutter contre l’oubli de moments intimes, échos de générations disparues, ils sont également une source d’information clé sur notre rapport à l’histoire et sur la pratique des historiens. Comme le soulignait Michel de Certeau, les éléments sélectionnés et mis en valeur par l’historien, deviennent une œuvre mémorielle, un monument à part entière[8]. Quel statut revêt l’objet, fragment de vie intime, que l’on dévoile au public ? Qui décide de le dévoiler ? La frontière entre le privé et le public, la notion de patrimoine, de descendance seront des éléments clés de ce colloque. On prendra en compte l’évolution de l’objet offert à travers le temps et les multiples lectures qui peuvent en résulter. On abordera aussi la question de l’histoire populaire, familiale pratiquée par les historiens dits ‘amateurs’ afin de mettre à jour l’importance des contributions de ces passionnés d’histoire.

Les sujets abordés pourront avoir une dimension non seulement écrite, visuelle (images, arts visuels) mais également tactile (objets fabriqués, matériaux divers), gustative (colis de nourriture), sonore ou olfactive – c’est le pétale odorant de son jasmin que joint le poète à sa lettre d’amour. Les preuves, anciennes ou récentes, seront analysées à travers un questionnement constant de la relation à l’autre.

La réflexion s’organisera, sans pour autant y être limitée, autour des volets thématiques suivants:

1.   Histoire de la vie privée et objets matériels : archéologie du quotidien, relations amoureuses et sexualité, vie privée et vie publique.

2.   Conservation, archives de l’océan Indien : L’objet comme élément du patrimoine, véhicule de la mémoire collective et individuelle, les politiques de conservation des objets et reliques (musées, bibliothèques, archives), l’historien au service de la mémoire, du patrimoine, les contributions des historiens ‘amateurs’, relation entre histoire familiale, populaire et histoire universitaire.

3.   Spécificité des objets de la zone océan Indien : le rôle du fétichisme, la question du tabou, l’objet œuvre d’art au service du langage amoureux, l’objet comme signe (langage et connaissance, symbole, indice), l’imaginaire social : le statut de l’objet qui cristallise les peurs, les désirs, la mémoire.

Les propositions de communication (400 mots maximum), seront à renvoyer par courriel, avant le 30 janvier 2018, accompagnées d’une courte notice biographique aux deux organisatrices de l’événement :

Françoise Sylvos, francoise.sylvos@wanadoo.fr  

Florence Pellegry, florence.pellegry@univ-reunion.fr

 

Le résultat de la sélection des propositions sera communiqué le 15 Mars 2018.

Les propositions seront étudiées par le comité scientifique de la conférence :

 

  • Pr Géraldine Chouard (Université Paris-Dauphine)
  • Pr Evelyne Combeau-Mari, (Université de la Réunion)
  • Dr Florence Pellegry, (Université de la Réunion)
  • Dr Sandra Saayman (Université de la Réunion)
  • Pr Françoise Sylvos, (Université de la Réunion)
  • Pr Vilasnee Tampoe - Hautin, (Université de la Réunion)
  • Pr Gilles Teulié (Université d’Aix-Marseille)
  • Pr Nira Wickramasinghe, (Université de Leiden, Pays-Bas)

 

Les présentations en français ou en anglais seront de 20 minutes, suivies de 10 minutes de discussion.

Une sélection d’articles sera publiée à l’issue de ce colloque.

 

Mots clés : objet, histoire de la vie privée, domaine de l’intime, amour, mémoire, imag(inair)e, océan Indien



[1] Alain Corbin, Gilles Heuré, Historien du sensible, Paris : La Découverte ; 2000. p.154.
[2] Clare Anderson, « Introduction to Marginal Centers: Writing Life Histories in the Indian Ocean World », Journal of Social History, vol. 45, n° 2, 2011, p.337.
[3] Il s’agira ici de la zone océan Indien dans son ensemble, le « monde insulaire » de la zone sud de l’océan Indien (Comores, Réunion, Mayotte, Madagascar, Maurice et les Seychelles), les pays bordiers du continent africain (Afrique du Sud, Mozambique, Tanzanie, Zanzibar etc.), mais aussi l’Inde, le Sri Lanka, l’Iran et le Pakistan, la partie orientale de la zone (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Australie, Philippines etc.), sans oublier les îles isolées de l’océan Indien (Diego Garcia, Maldives etc.) ainsi que les Terres Australes et Antarctiques.
[4] Jules Barbey d’Aurevilly in Brigitte Diaz, « Le XIXe siècle intime » Les choses, Le Magasin du XIXe siècle, n° 21, 2012, p.281.
[5] Rabindranath Tagore, Aux bords du gange, Paris : Gallimard, « Folio » ; 2010. p.32 -33.
[6] Jules Prown, “Mind in Matter: An Introduction to Material Culture Theory and Method,” Winterthur Portfolio, n°17, 1982, p.1.
[7] Comme le faisait remarquer en 2010 Malanjaona Rakotomalala (INALCO) dans son introduction au numéro 45 de la revue Etudes océan Indien sur la thématique : ‘Amour et sexualité du côté de l’océan Indien occidental’, les études sur l’histoire de la vie privée dans la zone sont encore que trop rares, les chercheurs s’intéressant certes à la condition féminine, au problème du genre, mais toujours que trop peu au « domaine des relations entre les sexes », cf. Malanjaona Rakotomalala, « Présentation », Amour et sexualité du côté de l’océan Indien occidental (Comores, Madagascar et île Maurice), Études océan Indien, n°45, 2010, p.7.
[8] Jean-PaulResweber, « L’écriture de l’histoire », Le Portique, n°13-14, 2004, mis en ligne le 15 juin 2007, consulté le 18 juin 2017. URL : http://leportique.revues.org/637.
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